dimanche 19 juin 2011

Les p'tits salauds

Le tribunal de police d’Évry a reconnu Carrefour coupable d’avoir lésé 1.200 salariés en les rémunérant à un salaire inférieur au SMIC et l’a condamnée à verser 3,66 millions d’euros d’amende. La direction de Carrefour a fait part de son intention de faire appel de cette décision.

Au-delà des faits et de savoir qui de Carrefour ou des syndicats a raison, l’affaire n’étant pas terminée pour cause d’appel, on est malgré tout en droit d’essayer de comprendre pourquoi une société aussi puissante et aussi économiquement prospère que Carrefour s’est retrouvée en situation d’une telle accusation portée contre elle par les syndicats.
 
En effet, selon l’inspection du travail,  le manque à gagner de ces 1200 salariés serait estimé entre 4,53 € et 45,14 €/mois… En supposant que l’on prenne le plafond maximum de 45€ pour tous, le surcoût mensuel aurait donc été de 54 000€ mensuels et 648 000€ annuels, soit une goutte d’eau dans l’océan du chiffre d’affaire et des bénéfices de cette enseigne et surtout, à peine plus de 15% du coût de l’amende qui lui a été infligée, sans compter les frais d’avocats et de procédure, ainsi que la mauvaise publicité et la dégradation possible de son image résultant de cette affaire.

Selon les convictions des uns ou des autres, que l’on soit de droite ou de gauche, chacun aura sa réponse pour palier ce genre de probléme et, il est vraisemblable, qu’à moins d’un an de la Présidentielle, chacun verra une opportunité de changer les choses en votant pour « son » candidat.

Hélas, quelque soit le ou la Président(e) élu(e), il ne faut surtout pas s’imaginer qu’il ou elle résoudra ce genre de conflit. En effet, il n’y a aucune solution politique ou législative qui le permettra. Les sociétés organisées comme la nôtre votent des lois que les citoyens essayent quotidiennement de contourner, voire de violer quand ils ont la conviction que, même s'ils se font prendre, le risque couru est plus avantageux que le simple respect de la loi.

Sans stigmatiser quiconque chez Carrefour, il a bien fallu qu’à un moment ou un autre, un Monsieur X prenne une décision qui a permit d’aboutir au fait que 1200 employés, déjà dans des situations plutôt précaires, estiment ne pas avoir été rémunérés comme ils devaient l’être. 

Qui est ce Monsieur X ? Nous ne le saurons peut-être jamais, peut-être est-il même "pluriel", mais en revanche, sans même le connaitre, on peut dire qu’il est de la race des « p'tits salauds ».

La responsabilité politique est un arbre qui cache la forêt, une forêt gigantesque composée d’une multitude de « p'tits salauds » du quotidien, de tous les âges, répartis dans toutes les couches de la société, dans toutes les catégories professionnelles et qui par leurs agissements créent au jour le jour les circonstances de la misère des autres.

Regardons-nous donc en face, humains tels que nous sommes, et cessons de chercher dans les politiques menées par les états la réponse et la solution aux problèmes que nous créons nous même, par nature.

Les crises économiques et les misères sociales sont le résultat de l’addition de micro évènements à l’échelle locale et individuelle. C’est comme l’effet papillon. Sans faire forcément de lui un "p'tit salaud", une qualification inappropriée pour de petits actes inciviques du quotidien, celui qui vole une pomme ou fraude un simple ticket de métro est déjà un des acteurs, mineurs certes, mais un acteur quand même d’un chaos potentiel des filières fruits et légumes et transports. 

Selon notre degré de morale et de probité, nous sommes donc tous responsables de la nature de nos actes. La difficulté est d'arriver à faire comprendre aux citoyens de tous les pays du monde que l'addition de comportements individuels mineurs peut induire un probléme collectif majeur. D'ailleurs et à titre d'exemple, s'ils l'avaient compris, pas un seul ne fraudait le fisc...

A l'heure où la Grèce est à l'agonie, il est plus que probable que chaque citoyen grec qui n'as pas payé ses impôts depuis des années porte une responsabilité individuelle dans la situation de son pays et au-delà, dans celle de l'Europe obligée aujourd'hui de supporter l'endettement de l'un des siens.

Tant que l’égoïsme, la cupidité et l’opportunisme de l’être humain ordinaire ne seront pas détrônés par d’autres valeurs humanistes et universelles, aucun homme politique ne parviendra à changer le monde pour le rendre meilleur. Il faudra probablement encore des siècles de civilisation pour y parvenir, mais le seul remède valable dès à présent pour pouvoir l'espérer, c'est l’accès le plus large possible à l’éducation et à la culture.

C'est la raison pour laquelle, il est vain de stigmatiser nos dirigeants politiques. En revanche, si nous devions exiger une seule chose d'eux, ce serait qu’ils décuplent, voire qu'ils centuplent les budgets alloués à ces deux ministères.

Mauvaise nouvelle, apparemment, cela ne fait partie d'aucun programme des futurs candidats à la Présidentielle de 2012...


2 commentaires:

bgenovese a dit…

Ce Monsieur X etait selon toute vraisemblance plutot cultive et certainement Bac+4 ou 5 a ce niveau de responsabilite. Et pourtant...

La culture et l'education sont totalement inefficaces contre les "p'tits salauds". L'Homme n'est pas naturellement bon, Monsieur Rousseau. Peut-etre sommes-nous eternellement con?...

jean-eric bielle a dit…

Peut-être, mais on est quand même bien obligé de reconnaitre qu'au fil des siècles et même si, j'en conviens, c'est encore très insuffisant, du cannibalisme à l'inquisition en passant par l'esclavage légalisé, l'éducation et la culture ont contribué sinon à faire disparaitre totalement du moins à faire reculer certaines barbaries. C'est la raison pour laquelle, j'ai écrit qu'il faudra encore probablement des siècles de civilisation pour arriver à une société qui aura banni toute forme d'exploitation et de maltraitance des hommes par les hommes....